Les bâtiments sont à Genève les plus gros consommateurs d’énergie (50% de la consommation du canton), et pour 90% d’origine fossile. Les remèdes sont connus pour atténuer cette boulimie et la dépendance au mazout et au gaz: assainir énergétiquement le parc immobilier et passer aux énergies renouvelables. Pour y parvenir, le Conseil d’État a décidé mercredi de contraindre les propriétaires à opérer cette révolution lorsque l’indice de consommation d’énergie est trop élevé par rapport à une limite qu’il vient d’abaisser drastiquement.
Techniquement, c’est une simple modification du règlement d’application de la loi sur l’énergie qu’Antonio Hodgers a présenté mercredi, mais ses effets seront énormes. Sur proposition de son département, le Conseil d’État a accepté mercredi d’abaisser 800 à 450 MJ par mètre carré et par an le seuil de l’indice de dépense de chaleur (IDC). Or, ce seuil déclenche pour les propriétaires l’obligation d’entreprendre des travaux de rénovation complets ou des mesures d’optimisation énergétiques. Une contrainte qui concerne désormais tout le parc immobilier, y compris les maisons individuelles.
Pour avoir un ordre de grandeur de la tâche à effectuer, le parc immobilier genevois compte 28’500 maisons individuelles, 15’200 immeubles d’habitat collectif, 2800 bâtiments administratifs et 2000 infrastructures de commerces et d’industries.
60% des bâtiments concernés
«Avec l’abaissement du seuil de l’IDC, 60% du parc bâti dans le canton, soit 29’000 bâtiments, se situe désormais au-delà, précise Antonio Hodgers. Avec un IDC à 800 MJ par mètre carré et par an, seuls 3% n’étaient pas aux normes.» Et d’ajouter que le Canton dispose d’une cartographie précise de la consommation énergétique des immeubles, car les propriétaires ont l’obligation de présenter une fois par an l’IDC au Service de l’énergie.
Ce sont du reste ces informations qui permettent de présenter un plan de réalisation des objectifs par étapes. Tout ne devra en effet pas être réalisé en même temps. Le plan d’actions a été planifié sur dix ans. À partir de cette année, ce sont 1000 bâtiments dont l’IDC dépasse 800 qui devront agir. Ils représentent 2% du parc.
À partir de 2027, ce sont 3700 bâtiments dont l’indice se situe entre 650 et 800 qui devront être assainis. Puis, dès 2031, les moins énergivores (entre 550 et 650) entreront dans la ronde. «En dessous de 550, des mesures d’optimisation énergétiques seront suffisantes», commente le conseiller d’État.
«Avec l’abaissement du seuil de l’IDC, 60% du parc bâti dans le canton, soit 29’000 bâtiments, se situe désormais au-delà.»
L’obligation de prendre des mesures ne sera toutefois pas absolue. Il est prévu des exceptions pour les bâtiments classés ou inscrits, lorsque la non-faisabilité technique est démontrée ou que sont concernés des bâtiments provisoires. Enfin, la tolérance s’étend en cas d’incapacité financière prouvée du propriétaire.
À noter que des mécanismes fiscaux avantageux existants ou encore en projet sont mis en avant par le Conseil d’État. Il s’agit notamment des déductions fiscales liées aux dépenses à caractère énergétique et de la stagnation de la valeur fiscale du bâtiment malgré les travaux.
La fin du mazout
La modification réglementaire contient un second volet qui porte sur le chauffage. Désormais, lors d’un changement de chaudière, des solutions alimentées à 100% en énergie renouvelable seront obligatoires. Là également, quelques exceptions seront accordées. Autrement dit, c’en sera fini, à terme, des chaudières à mazout ou à gaz.
Pour remplacer les énergies fossiles, Antonio Hodgers compte sur les réseaux thermiques structurants et non structurants dans les zones urbaines. Les autres bâtiments devront trouver des solutions d’alimentation décentralisées: pompes à chaleur, géothermie, solaire thermique ou encore chauffage au bois.
Des oui, mais…
Antonio Hodgers a indiqué que la modification réglementaire avait été discutée durant deux ans avec les associations de propriétaires. Réagissant par communiqué, la Chambre genevoise immobilière (CGI) ne met pas les pieds au mur mais se montre critique: «Les propriétaires genevois, écrit-elle, sont, dans une immense majorité, désireux de participer à la transition énergétique», mais la CGI formule plusieurs critiques, notamment le manque de participation financière de l’État.
L’association des propriétaires individuels Pic-Vert est au diapason. Tout en saluant les modifications, elle demande à l’État des mesures financières incitatives beaucoup plus importantes, ainsi qu’une remise en question de la densification du canton.